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C-23/25 Sutuska - Contrat de crédit, clauses abusives, efficacité et proportionnalité

Demande de décision préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne

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Date limite de dépôt des dossiers : 24 avril 2025

Mots clés : contrat de crédit, clauses abusives, efficacité et proportionnalité

Objet : Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : Article 6, paragraphe 1 et article 7, paragraphe 1.

Les faits
En 2007, la demanderesse "AS" et la défenderesse "Banque Millennium" ont conclu un contrat de crédit hypothécaire pour l'achat d'une maison. Le 17 août 2022, le requérant a demandé que le contrat de crédit soit déclaré nul et non avenu et que la banque rembourse à AS toutes les échéances de crédit, les frais, les commissions et les coûts d'assurance payés dans le cadre de l'exécution du contrat en tant que prestations indues. La juridiction de renvoi a partiellement annulé le contrat pour cause de clauses abusives, mais n'a pas accordé tous les frais réclamés par le requérant.

Considération
La juridiction de renvoi n'a pas encore statué sur la demande de paiement des frais de diverses polices d'assurance souscrites. La juridiction de renvoi indique qu'il n'y a pas de consensus dans la jurisprudence polonaise sur les frais d'assurance liés au crédit qui doivent être remboursés par la banque. La question principale est de savoir si la banque doit rembourser les coûts des assurances souscrites contre les risques encourus par l'emprunteur. La juridiction de renvoi met en balance les intérêts du consommateur et la proportionnalité. L'annulation des contrats d'assurance en question profiterait au consommateur et à la fonction dissuasive de la directive 93/13, mais l'annulation entraînerait également une pratique lourde de conséquences, à savoir l'exclusion totale ex tunc de la couverture dont bénéficie l'emprunteur.

Questions préliminaires
Les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que les principes d'effectivité et de proportionnalité dans le cadre de l'annulation de l'ensemble du contrat de crédit conclu entre un consommateur et une banque en raison de l'existence de clauses contractuelles abusives, y compris de clauses contractuelles abusives sans lesquelles le contrat ne peut subsister, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation, développée par la jurisprudence, d'une réglementation nationale sur la base de laquelle.. :
- la banque est tenue de rembourser au consommateur l'équivalent des coûts de l'assurance contre les risques pour la banque supportés par le consommateur, tels que l'assurance contre le risque d'une faible contribution propre ou une assurance relais, qui a servi de garantie pour le remboursement du crédit,
- la banque n'est pas tenue de rembourser au consommateur l'équivalent des frais d'assurance contre les risques supportés par le consommateur, tels que l'assurance habitation ou l'assurance vie, qui ont servi de garantie pour le remboursement du prêt ?

Jurisprudence (récente) citée : C-154/15, C-307/15 et C-308/15 ; C-307/15 et C-308/15

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  • MÉMOIRE DE L'AMICUS CURIAE
    DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE

    Référence de l'affaire : Demande de décision préjudicielle concernant la directive 93/13/CEE du Conseil
    Soumis par la Fédération bancaire européenne fictive
    Dans l'affaire de : Interprétation de l'article 6, paragraphe 1, et de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil

    I. INTÉRÊT DE L'AMICUS CURIAE
    La Fédération bancaire européenne ("FBE") est la voix fictive du secteur bancaire européen, représentant les associations bancaires nationales à travers l'Europe qui, ensemble, représentent les banques employant un grand nombre de personnes et accordant des prêts à l'économie européenne. La FBE s'engage en faveur d'une économie européenne prospère, soutenue par un écosystème financier stable, sûr et inclusif, et d'une société florissante où le financement est disponible pour financer les rêves des citoyens, des entreprises et des innovateurs.
    La FEM a un intérêt direct dans cette affaire car l'interprétation par la Cour des articles 6(1) et 7(1) de la directive 93/13/CEE du Conseil aura des implications significatives pour les opérations du secteur bancaire, les pratiques de gestion des risques et la sécurité juridique dans tous les États membres.

    II. RÉSUMÉ DE LA POSITION
    La FBE soutient respectueusement que les articles 6(1) et 7(1) de la directive 93/13/CEE du Conseil, correctement interprétés conformément aux principes d'efficacité et de proportionnalité, autorisent l'approche développée dans la jurisprudence polonaise qui distingue les différents types de polices d'assurance à des fins de remboursement suite à l'annulation d'un contrat de crédit contenant des clauses abusives. Plus précisément, la FEM soutient que cette distinction entre l'assurance contre les risques pour la banque et l'assurance contre les risques pour le consommateur est juridiquement fondée, qu'elle favorise la proportionnalité et qu'elle équilibre de manière appropriée les intérêts de toutes les parties concernées.

    III. CADRE JURIDIQUE ET CONTEXTE
    A. Objet et champ d'application de la directive 93/13/CEE
    La directive 93/13/CEE vise à protéger les consommateurs contre les clauses abusives dans les contrats conclus avec des vendeurs ou des fournisseurs. Toutefois, cette protection doit être mise en balance avec d'autres principes importants du droit communautaire, notamment la sécurité juridique, la liberté contractuelle et la proportionnalité. La directive ne cherche pas à invalider des relations contractuelles entières ou à créer des effets d'aubaine pour les consommateurs, mais plutôt à rétablir l'équilibre dans les relations contractuelles lorsqu'il a été faussé par des clauses abusives.
    Comme la Cour l'a reconnu dans de nombreuses affaires, notamment dans les affaires jointes C-154/15, C-307/15 et C-308/15 (Gutiérrez Naranjo), les conséquences de la constatation du caractère abusif d'une clause au titre de l'article 6, paragraphe 1, doivent être appréciées conformément au droit national, sous réserve des exigences d'effectivité et de proportionnalité.

    B. Nature des polices d'assurance dans les contrats de crédit
    Dans le domaine du crédit hypothécaire, les différents types d'assurance servent des objectifs distincts et protègent des intérêts différents. Il s'agit notamment de
    1. L'assurance protège principalement les intérêts de la banque :
    - Assurance à faible contribution propre
    - Assurance relais
    2. Assurance protégeant principalement les intérêts de l'emprunteur :
    - Assurance vie
    - Assurance des biens
    - Assurance perte d'emploi
    Bien que toutes ces polices puissent être exigées comme conditions d'obtention d'un prêt, elles servent des objectifs fondamentalement différents et protègent des parties différentes contre des risques différents. Cette distinction n'est pas artificielle mais reflète la réalité économique des risques couverts et des bénéficiaires protégés.

    IV. ARGUMENTS JURIDIQUES
    A. La distinction entre les types d'assurance est juridiquement fondée
    La distinction établie par la jurisprudence polonaise entre l'assurance protégeant la banque et l'assurance protégeant l'emprunteur est juridiquement fondée pour plusieurs raisons :
    1. Différentes relations contractuelles: Les polices d'assurance impliquent souvent des relations tripartites (emprunteur, banque et assureur) avec des droits et des obligations distincts. Le fait que ces polices aient été exigées comme condition d'obtention d'un prêt n'enlève rien à leur nature juridique distincte.
    2. Différents bénéficiaires: Pour les polices d'assurance protégeant principalement l'emprunteur (comme l'assurance-vie, l'assurance des biens ou l'assurance perte d'emploi), l'emprunteur est soit le seul bénéficiaire, soit un co-bénéficiaire avec la banque. Ces polices offrent une valeur et une protection réelles à l'emprunteur, indépendamment de l'accord de prêt.
    3. Service effectivement reçu: Pour l'assurance emprunteur, le consommateur a reçu des services effectifs sous la forme d'une couverture d'assurance pour la période payée. Cela distingue ces primes d'assurance d'autres frais qui peuvent être remboursés à la suite d'une annulation.

    B. Le principe de proportionnalité soutient la distinction
    Le principe de proportionnalité exige que les recours juridiques n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leurs objectifs. Exiger des banques qu'elles remboursent toutes les primes d'assurance, quel que soit leur objet, serait disproportionné pour plusieurs raisons :
    1. Double avantage pour les consommateurs: Les consommateurs bénéficieraient à la fois d'une couverture d'assurance pendant la période couverte et d'un remboursement intégral des primes payées, ce qui reviendrait à bénéficier d'une protection d'assurance gratuite.
    2. Invalidation rétroactive d'un contrat légitimes : Les polices d'assurance entre les consommateurs et les assureurs sont généralement des contrats valides et exécutoires de manière indépendante. Les traiter comme de simples annexes au contrat de crédit porte atteinte à la sécurité juridique de ces relations contractuelles distinctes.
    3. Impact sur les marchés de l'assurance: Une approche globale du remboursement créerait une grande incertitude sur les marchés de l'assurance et pourrait affecter la disponibilité et la tarification des produits d'assurance liés aux prêts hypothécaires.

    C. L'efficacité de la protection des consommateurs n'est pas remise en cause
    La distinction entre les différents types d'assurance à des fins de remboursement ne nuit pas à l'efficacité de la protection des consommateurs prévue par la directive :
    1. Les clauses abusives essentielles sont toujours abordées: Les principales clauses abusives du contrat de crédit sont toujours invalidées et le consommateur est protégé contre leurs effets négatifs.
    2. Des recours proportionnés: Les consommateurs reçoivent le remboursement d'une assurance qui protégeait principalement la banque, tout en conservant le bénéfice d'une assurance qui les protégeait.
    3. L'effet dissuasif est maintenu: Les banques sont toujours confrontées à des conséquences financières importantes lorsqu'elles incluent des clauses abusives dans les contrats de crédit, y compris le remboursement de l'assurance de protection bancaire et d'autres coûts.

    D. La jurisprudence pertinente soutient une approche équilibrée
    La jurisprudence de la Cour a toujours souligné la nécessité d'une approche équilibrée des mesures correctives après la constatation de l'existence de clauses abusives. Dans l'affaire C-118/17 (Dunai), la Cour a noté que la directive "ne vise pas à éliminer les contrats contenant des clauses abusives dans leur intégralité, mais à rétablir l'équilibre entre les parties tout en préservant en principe la validité du contrat dans son ensemble".
    Cette approche équilibrée se reflète dans la distinction établie par la jurisprudence polonaise, qui cherche à rétablir les consommateurs dans leur position légitime sans leur accorder des avantages exceptionnels aux dépens d'autres acteurs économiques.

    V. IMPLICATIONS PRATIQUES
    A. Impact sur la stabilité financière
    L'interprétation de la Cour aura des conséquences importantes pour la stabilité financière dans l'ensemble de l'UE. L'obligation de rembourser l'intégralité des primes d'assurance entraînerait pour les banques des obligations supplémentaires considérables, susceptibles d'affecter leur situation en matière de fonds propres et leur capacité de prêt. Cette situation est particulièrement préoccupante compte tenu du grand nombre de demandes d'indemnisation potentielles dans plusieurs États membres.

    B. Considérations relatives au bien-être des consommateurs
    Si la protection des consommateurs est primordiale, leur bien-être est également assuré par un système financier stable et performant. Des engagements excessifs pourraient conduire à :
    1. Des pratiques de prêt plus restrictives
    2. Coûts plus élevés pour les futurs emprunteurs
    3. Réduction de la disponibilité du crédit pour les consommateurs

    C. Sécurité juridique et harmonisation
    Une approche équilibrée qui reconnaît les distinctions légitimes entre les différents types d'assurance renforcerait la sécurité juridique dans l'UE tout en garantissant une protection efficace des consommateurs. Elle permettrait aux tribunaux nationaux de développer des approches nuancées de la restitution qui reflètent les circonstances spécifiques de chaque cas.

    VI. CONCLUSION
    Pour les raisons qui précèdent, la Fédération bancaire européenne soutient respectueusement que les articles 6(1) et 7(1) de la directive 93/13/CEE du Conseil, interprétés à la lumière des principes d'efficacité et de proportionnalité, permettent une interprétation nationale qui distingue les différents types d'assurance à des fins de remboursement suite à l'annulation d'un contrat de crédit pour cause de clauses abusives. Cette approche concilie de manière appropriée la protection des consommateurs et d'autres principes importants du droit communautaire, notamment la sécurité juridique, la proportionnalité et la stabilité financière.

    Respectueusement soumis,
    Fédération bancaire européenne
    Bruxelles, Belgique
    7 avril 2025

  • MÉMOIRE DE L'AMICUS CURIAE
    DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
    Référence de l'affaire : Demande de décision préjudicielle concernant la directive 93/13/CEE du Conseil
    Déposé par : Consumer Protection Alliance of Poland
    Dans l'affaire de : Interprétation de l'article 6, paragraphe 1, et de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil

    I. INTÉRÊT DE L'AMICUS CURIAE
    L'Alliance fictive de protection des consommateurs de Pologne ("l'Alliance") est une organisation non gouvernementale qui se consacre à la protection des droits et des intérêts des consommateurs polonais. L'Alliance a participé à de nombreuses procédures judiciaires concernant les droits des consommateurs, notamment des affaires portant sur des clauses contractuelles abusives dans le domaine des services bancaires et financiers. L'Alliance possède une expertise particulière en matière de contrats de prêts hypothécaires contenant des clauses abusives et a assisté de nombreux consommateurs dans le cadre de ces plaintes au cours des dernières années.

    L'Alliance soumet ce mémoire pour aider la Cour à interpréter les dispositions de la directive 93/13/CEE relatives à la protection des consommateurs d'une manière qui garantisse des recours efficaces aux consommateurs qui ont été victimes de clauses abusives dans des contrats de crédit.

    II. RÉSUMÉ DE LA POSITION
    L'Alliance soutient respectueusement que les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, correctement interprétés à la lumière des principes d'efficacité et de proportionnalité, s'opposent à la jurisprudence nationale qui établit des distinctions arbitraires entre les types de polices d'assurance aux fins du remboursement à la suite de l'annulation d'un contrat de crédit contenant des clauses abusives. L'Alliance soutient que tous les frais d'assurance payés par les consommateurs en vertu de contrats de crédit annulés ultérieurement pour cause de clauses abusives doivent être remboursés, indépendamment du bénéficiaire nominal ou de l'objet de l'assurance.

    III. CONTEXTE FACTUEL
    A. Nature systémique du problème
    La question posée à la Cour s'inscrit dans un contexte de pratiques déloyales généralisées dans le secteur bancaire polonais. Entre 2005 et 2012, de nombreux consommateurs polonais ont conclu des contrats de crédit contenant des clauses abusives, en particulier des prêts libellés en devises étrangères. Ces contrats exigeaient généralement des emprunteurs qu'ils souscrivent plusieurs polices d'assurance comme condition d'obtention du crédit.

    D'après l'expérience de l'Alliance avec les emprunteurs concernés, les demandeurs de prêts hypothécaires étaient généralement tenus de souscrire plusieurs types d'assurance, notamment
    1. Assurance à faible contribution propre
    2. Assurance relais jusqu'à l'inscription hypothécaire
    3. Assurance des biens
    4. L'assurance vie
    5. Assurance perte d'emploi
    Ces exigences en matière d'assurance étaient généralement présentées comme des conditions obligatoires pour l'approbation du prêt, les consommateurs n'ayant que peu ou pas de possibilité de négocier les conditions ou de choisir d'autres fournisseurs d'assurance.

    B. État actuel de la jurisprudence polonaise
    Depuis 2020, les tribunaux polonais reconnaissent de plus en plus le caractère abusif des clauses de nombreux contrats de crédit, en particulier ceux libellés en devises étrangères. Toutefois, comme l'a noté la juridiction de renvoi, il n'existe pas de consensus concernant le remboursement des frais d'assurance à la suite d'une annulation. La distinction émergente entre l'assurance contre les risques pour la banque (remboursable) et l'assurance contre les risques pour l'emprunteur (non remboursable) manque d'un fondement juridique clair et crée une incohérence substantielle dans les recours disponibles pour les consommateurs.

    IV. ARGUMENTS JURIDIQUES
    A. Le texte et l'objet de la directive 93/13/CEE exigent un remboursement intégral
    L'article 6, paragraphe 1, de la directive dispose que les clauses abusives "ne lient pas le consommateur", mais que le contrat lie "les parties dans les mêmes conditions" s'il peut continuer à exister sans les clauses abusives. Lorsqu'un contrat de crédit ne peut continuer à exister sans les clauses abusives, comme dans l'affaire soumise à la juridiction de renvoi, l'ensemble du contrat est rendu nul et non avenu.

    La nullité d'un contrat doit entraîner la restitution de toutes les prestations échangées en vertu de ce contrat. Comme la Cour l'a indiqué dans les affaires jointes C-154/15, C-307/15 et C-308/15 (Gutiérrez Naranjo), la constatation du caractère abusif d'une clause "doit, en principe, avoir pour conséquence de replacer le consommateur dans la situation qui aurait été la sienne si cette clause n'avait pas existé".

    Le rétablissement du consommateur dans sa situation initiale exige logiquement le remboursement de tous les frais encourus en conséquence directe du contrat déloyal, y compris toutes les primes d'assurance payées. Toute autre interprétation permettrait à la banque de conserver les bénéfices tirés d'un contrat déloyal, ce qui est contraire à l'objectif de la directive.

    B. Le principe d'efficacité s'oppose aux distinctions arbitraires entre les types d'assurance
    Le principe d'effectivité exige que les règles de procédure régissant les actions visant à sauvegarder les droits dérivés du droit communautaire ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice de ces droits. La distinction établie par certaines juridictions polonaises entre les différents types d'assurance porte atteinte à l'efficacité de la directive pour plusieurs raisons :

    1. Toutes les polices d'assurance étaient des éléments obligatoires du contrat de crédit**. Les banques ont exigé ces polices comme conditions d'octroi des prêts, en spécifiant souvent le fournisseur d'assurance et les conditions. Les consommateurs n'avaient pas la possibilité de négocier ou de refuser ces exigences.
    2. La distinction est artificielle dans la pratique**. Même les assurances qui protègent nominalement l'emprunteur (comme l'assurance-vie) servent avant tout les intérêts de la banque en garantissant le remboursement du prêt. Dans la plupart des cas, la banque a été désignée comme bénéficiaire ou co-bénéficiaire de ces polices.
    3. Les consommateurs n'ont pas reçu d'informations significatives sur ces distinctions. Les contrats de crédit présentent généralement les exigences en matière d'assurance comme un ensemble unifié de conditions, sans différencier clairement la partie qui est théoriquement protégée.
    4. La distinction crée une charge procédurale supplémentaire pour les consommateurs. Le fait d'exiger des consommateurs qu'ils classent et défendent chaque type d'assurance augmente considérablement la complexité et le coût des recours.

    C. Le principe de proportionnalité justifie le remboursement intégral
    La juridiction de renvoi craint que l'annulation des contrats d'assurance n'entraîne "l'exclusion totale ex tunc de la couverture dont bénéficie l'emprunteur". Bien que cette préoccupation mérite d'être prise en considération, elle doit être mise en balance avec plusieurs facteurs compensatoires :
    1. La fonction dissuasive de la directive est primordiale**. L'article 7, paragraphe 1, exige explicitement des "moyens adéquats et efficaces" pour "empêcher l'utilisation continue de clauses abusives". Permettre aux banques de conserver les primes d'assurance affaiblirait considérablement cet effet dissuasif.
    2. Les consommateurs ont payé pour des assurances non désirées. De nombreux consommateurs ont été contraints de souscrire une assurance dont ils n'avaient pas besoin ou qu'ils ne voulaient pas, ou à des primes nettement supérieures à celles du marché, la banque recevant souvent des commissions.
    3. Les consommateurs peuvent choisir en connaissance de cause leur future couverture. À la suite d'une annulation, les consommateurs peuvent décider de souscrire une nouvelle couverture d'assurance en fonction de leurs besoins réels et de leur situation.

    D. Analyse comparative des approches des États membres
    Le traitement des frais d'assurance à la suite de l'annulation de contrats de crédit varie d'un État membre à l'autre. L'arrêt de la Cour dans l'affaire C-154/15 (Gutiérrez Naranjo) a influencé l'approche des tribunaux nationaux dans l'ensemble de l'UE, en soutenant généralement une restitution complète lorsqu'un contrat est annulé en raison de clauses abusives. Une approche harmonisée dans l'ensemble de l'UE exigeant le remboursement intégral de tous les frais d'assurance renforcerait la protection des consommateurs et offrirait une sécurité juridique à la fois aux consommateurs et aux institutions financières.

    V. IMPACT CONCRET SUR LES CONSOMMATEURS
    La distinction entre les types d'assurance peut avoir un impact significatif sur l'efficacité des recours offerts aux consommateurs. Lorsque les banques ne sont tenues de rembourser que certaines catégories de coûts d'assurance, les consommateurs se voient refuser le rétablissement complet de leur situation précontractuelle.

    En outre, le processus de catégorisation lui-même crée des charges supplémentaires pour les consommateurs, qui doivent analyser des contrats d'assurance complexes et plaider pour l'inclusion de chaque police d'assurance dans le remboursement. Cette complexité procédurale peut décourager les consommateurs de faire valoir leurs droits et réduire l'efficacité globale du système de protection des consommateurs.

    VI. CONCLUSION
    Pour les raisons susmentionnées, l'Alliance polonaise pour la protection des consommateurs soutient respectueusement que les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, interprétés à la lumière des principes d'efficacité et de proportionnalité, s'opposent à une interprétation nationale qui établit une distinction entre les types d'assurance à des fins de remboursement à la suite de l'annulation d'un contrat de crédit pour cause de clauses abusives. L'interprétation correcte exige le remboursement de tous les frais d'assurance payés au titre du contrat annulé, quelle que soit la partie qui était nominalement protégée par l'assurance.

    Respectueusement soumis,
    Varsovie, Pologne
    7 avril 2025

  • MÉMOIRE DE L'AMICUS CURIAE
    DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
    Référence de l'affaire : Demande de décision préjudicielle concernant la directive 93/13/CEE du Conseil
    Déposée au nom de : A.K., consommateur polonais fictif et emprunteur hypothécaire

    INTRODUCTION
    Ce mémoire d'amicus curiae est respectueusement soumis au nom de Mme A.K., une consommatrice polonaise fictive qui, comme la demanderesse AS, a conclu un contrat de prêt hypothécaire contenant des clauses abusives avec une grande banque polonaise. Mme A.K. a un intérêt direct et substantiel dans l'interprétation par la Cour des articles 6(1) et 7(1) de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant le remboursement des frais d'assurance suite à l'annulation de contrats de crédit contenant des clauses abusives.

    II. CONTEXTE FACTUEL
    La situation de Mme A.K. est très proche de celle de la demanderesse au principal. En 2008, elle a conclu un contrat de prêt hypothécaire pour l'achat de sa maison familiale. Le contrat contenait des clauses abusives similaires à celles figurant dans le contrat de la plaignante avec la Banque Millennium. À la suite de l'annulation partielle de son contrat de crédit par un tribunal polonais, Mme K, comme d'innombrables autres consommateurs polonais, est aujourd'hui confrontée à l'incertitude concernant le remboursement de divers frais d'assurance qu'elle a dû payer dans le cadre du contrat de crédit, notamment :

    1. Assurance contre les risques pour la banque (assurance relais et assurance à faible contribution)
    2. Assurance habitation
    3. L'assurance vie

    Toutes ces polices d'assurance étaient des conditions obligatoires imposées par la banque pour l'octroi du prêt et servaient de garantie pour le remboursement.

    III. ARGUMENTS JURIDIQUES
    A. La directive 93/13/CEE impose un remboursement global
    L'objectif fondamental de la directive 93/13/CEE est de protéger les consommateurs contre les clauses abusives imposées par les vendeurs ou les fournisseurs. L'article 6, paragraphe 1, stipule explicitement que les clauses abusives "ne lient pas le consommateur", tandis que l'article 7, paragraphe 1, impose aux États membres de veiller à ce qu'il existe "des moyens adéquats et efficaces pour empêcher l'utilisation continue de clauses abusives". Ces dispositions, lues ensemble, établissent un cadre de protection solide qui doit être interprété de manière à offrir une protection maximale aux consommateurs.

    Lorsqu'un contrat de crédit est annulé en raison de clauses abusives sans lesquelles le contrat ne peut exister, l'effet juridique doit être de rétablir les parties dans la situation où elles se seraient trouvées si le contrat n'avait jamais existé. Ce principe de rétablissement ne peut être appliqué de manière sélective sur la base de distinctions arbitraires entre les types de polices d'assurance.

    B. Absence de distinction valable entre les types de polices d'assurance
    La distinction établie par la jurisprudence polonaise entre l'assurance contre les risques encourus par la banque et l'assurance contre les risques encourus par le consommateur est artificielle et nuit à l'efficacité de la directive pour plusieurs raisons :
    1. Toutes les polices d'assurance étaient des conditions obligatoires du contrat de crédit. La banque a exigé toutes ces polices d'assurance comme conditions préalables à l'octroi du prêt. Elles faisaient partie intégrante de la relation contractuelle entachée de clauses abusives.
    2. Toutes les polices d'assurance servent en fin de compte de garantie à la banque. Même les polices qui protègent ostensiblement le consommateur (comme l'assurance-vie ou l'assurance habitation) profitent avant tout à la banque en réduisant le risque de défaillance. La banque était généralement le premier bénéficiaire ou le co-bénéficiaire de ces polices.
    3. Les consommateurs n'avaient pas de véritable choix. Les consommateurs étaient souvent obligés de souscrire une assurance auprès de fournisseurs désignés par la banque, à des taux déterminés sans négociation et à des conditions dictées par la banque.

    C. Les principes d'efficacité et de proportionnalité soutiennent le remboursement intégral
    Le principe d'efficacité exige que les recours offerts aux consommateurs soient réellement efficaces pour protéger leurs droits. Une approche de remboursement partiel ne répond pas à ce critère :
    1. Elle permet aux banques de conserver des avantages importants découlant de contrats déloyaux
    2. Elle crée des enquêtes factuelles complexes sur la nature de chaque police d'assurance
    3. Elle impose aux consommateurs des charges supplémentaires pour classer et argumenter chaque type de coût d'assurance.

    Le principe de proportionnalité, correctement appliqué, soutient le remboursement intégral. Bien que la Cour doive tenir compte du fait que l'annulation des contrats d'assurance entraîne une perte rétroactive de la couverture, cette considération est contrebalancée par :
    1. La fonction dissuasive de la directive, qui est un objectif principal explicitement mentionné à l'article 7
    2. Le fait que les consommateurs ont payé pour une couverture dans le cadre de contrats qu'ils n'auraient pas souscrits en l'absence de clauses abusives
    3. Le fait que ce sont les banques, et non les consommateurs, qui doivent supporter les conséquences de l'inclusion de clauses abusives dans leurs contrats

    IV. IMPORTANCE DE LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS DANS L'UE
    L'arrêt de la Cour aura des conséquences importantes au-delà des frontières polonaises. Les contrats de prêt hypothécaire conclus dans les États membres comportent souvent des exigences similaires en ce qui concerne les différentes polices d'assurance. Une interprétation étroite autorisant les banques à conserver les primes d'assurance compromettrait gravement l'harmonisation des normes de protection des consommateurs dans l'ensemble de l'UE.
    En outre, l'effet dissuasif visé par la directive serait considérablement affaibli si les institutions financières pouvaient conserver une part importante des avantages financiers tirés des contrats abusifs. Cela inciterait à poursuivre l'utilisation de clauses abusives, ce qui est contraire aux objectifs explicites de la directive.

    V. RÉPONSE AUX PRÉOCCUPATIONS CONCERNANT LA PERTE DE COUVERTURE RÉTROACTIVE
    La juridiction de renvoi s'inquiète de "l'exclusion complète ex tunc de la couverture dont bénéficie l'emprunteur". Cette préoccupation, bien que compréhensible, ne justifie pas le refus d'un remboursement intégral pour plusieurs raisons :
    1. Dans la plupart des cas, la perte de la couverture rétroactive est un problème théorique plutôt que pratique, car les consommateurs ont rarement besoin de faire des réclamations pour des périodes antérieures
    2. Les consommateurs peuvent choisir en connaissance de cause, après l'annulation, d'obtenir ou non une nouvelle couverture d'assurance pour l'avenir.
    3. Le principe selon lequel les contrats déloyaux "ne sont pas contraignants" ne peut être appliqué de manière sélective sur la base d'avantages spéculatifs pour les consommateurs.

    VI. CONCLUSION
    Pour les raisons qui précèdent, les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, ainsi que les principes d'effectivité et de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'interprétation développée par la jurisprudence polonaise, qui établit une distinction entre les différents types de polices d'assurance aux fins du remboursement. Lorsqu'un contrat de crédit est annulé en raison de clauses abusives, les consommateurs doivent avoir droit au remboursement de tous les frais d'assurance payés dans le cadre de ce contrat, que l'assurance protège nominalement la banque ou le consommateur.

    Respectueusement soumis,
    Date : 7 avril 2025 Le 7 avril 2025

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